Sur l’identification de la variabilité pluviométrique en zone subéquatoriale : Cas de la pluviométrie observée dans la région de Ngandajika au Centre-Sud du bassin du Congo en RD Congo
Alphonse Kambi Dibaya Okito
- Institut Supérieur Pédagogique de Mbujimayi, DR Congo
Résumé
En région intertropicale, les précipitations sont variables d’une année à une autre. La série annuelle de ces précipitations est une série chronologique. Pour identifier la variabilité de cette série, il est recommandé d’utiliser les tests statistiques rigides. La série des précipitations observées à la station de l’INERA-Ngandajika de 1940 à 2006 étant une série chronologique, pour identifier sa variabilité, quatre tests ont été utilisés. L’indice de Nicholson a permis de calculer les indices pluviométriques annuels. La méthode de filtre passe-bas de hanning d’ordre 2 a permis d’éliminer les variations saisonnières dans la série chronologique. L’équation de Tyson a permis de calculer les totaux pluviométriques pondérés et ces totaux ont été centrés et réduits pour visualiser les périodes d’excédent et de déficit pluviométriques.
Le test de Pettitt a permis de détecter les ruptures dans la série pluviométrique. Ces cassures sont alors selon Pettitt imputables aux éventuelles perturbations ou changements. La présence de rupture dans une série pluviométrique signifie qu’il y a eu variation du niveau des pluies dans le temps et que cette variation peut être significative ou non. Tous ces tests ont permis de calculer l’indice pluviométrique moyen. Cet indice a permis d’analyser la variabilité temporelle de précipitations à Ngandajika et d’observer une période anormale entre 1940 et 2006 caractérisée par une moyenne interannuelle de 1427,9 mm et un écart type de 198,6 mm. Une période anormale est définie comme étant une période ou la moyenne des pluviométries annuelles ne tend pas vers la moyenne de la pluviométrie totale.
1. Introduction
Le climat actuel et futur est un élément essentiel du développement durable. L’élément climatique le plus déterminant en zone intertropicale est la pluie. La pluie rythme notre vie, ostensiblement ou de manière cachée, et en moyenne, les sociétés intertropicales essayent de s’adapter plutôt bien. Cependant notre vulnérabilité accrue s’accommode de moins en moins à la variabilité pluviométrique et à ces crises.
La prise en compte des aléas pluviométriques et leur quantification ne constituent qu’une partie du risque d’origine climatique dont la susceptibilité et la vulnérabilité sont les autres composantes. La susceptibilité est le potentiel physique de développement d’une crise tandis que la vulnérabilité dépend plus directement de l’homme.
Il importe par conséquent de séparer, lors des crises, ce qui relève de l’aléa pluviométrique de ce qui est dû à une vulnérabilité croissante induisant davantage de dommages.
Même si le climat se définit comme une probabilité des états de l’atmosphère pour un lieu donné sur une certaine période, généralement une période de 30 ans baptisée « normale » ; il intègre les fluctuations quotidiennes du temps et la variabilité interannuelle. Il change en permanence et n’est stable que sur une durée de longueur variable dans l’espace et le temps,
Cette variabilité est faite de « bruits », de tendances et de cycles emboîtés très difficiles à appréhender et à déterminer, ne fut-ce qu’à cause de la longueur très restreinte des séries statistiques disponibles (rarement plus de 150 ans de mesures) par rapport aux échelles de temps de variation.
Comme le climat est aujourd’hui dépendant des activités humaines, il est impérieux que l’on connaisse ce climat et son évolution, de manière à s’y adapter et à se prémunir contre les phénomènes extrêmes
Cette étude essaye ainsi d’identifier la variabilité pluviométrique d’un des climats de la zone intertropicale ou la disponibilité de la ressource en eau peut être jugée satisfaisante
2. La localisation de la région d’étude
La station sous étude est une des stations de l’Institut National d’Etudes et de Recherches Agronomiques (INERA) du Ministère de la Recherche Scientifique localisée dans la région de Ngandajika au centre sud du bassin du Congo en R.D.Congo. Elle est située à 6°45’ de latitude Sud et à 23°57’ de longitude Est
La région de Ngandajika est une région de basse altitude (780 m) de plus ou moins 200 km2 axée sur une station d’observation météorologique de l’Institut National d’Etudes et de Recherches Agronomiques (INERA) dans le centre sud du bassin du fleuve Congo en R.D. Congo . C’est un plateau couvert des dépôts sableux d’origine éolienne qui datent du pléistocène inferieur. Son soubassement est constitué des séries schisto-gréseuses et calcaro-dolomitiques et du vieux socle granitique. Le sol est ferralitique à structure sablo-argileuse de bonne valeur agricole. La végétation est une savane herbeuse parcourue par quelques galeries forestières et parsemée d’arbustes. Le climat est de type Aw3 selon la classification de Koppen Selon le dernier recensement (2007), la région a une population de 99.626 habitants
3. Méthodologie
3.1. Les données
Cette étude a nécessité l’utilisation de deux types de données
a) les données climatiques : ces données comprennent les pluies annuelles de 1940-2006 de la station de l’INERA-Ngandajika
b) les données cartographiques : ces données sont composées des cartes topographiques et de la carte administrative de la région de Ngandajika qui nous ont permis de localiser la région d’études.
3.2. Les méthodes
Plusieurs approches permettent d’identifier la variabilité pluviométrique d’un climat. Dans notre étude, il a été utilisé :
– la méthode de l’indice de Nicholson : l’indice de Nicholson est aussi appelée la variable centré réduite et est calculée à partir de la formule de Nicholson d’expression : Ip = (Xi – Xm) /σi avec Ip ; l’indice pluviométrique, Xi (mm) : la hauteur de pluie totale pour une station pendant une année i , Xm ( mm) : la moyenne de la pluie à la station pendant la durée entière de l’enregistrement ( période d’étude) , σi : l’écart type de la pluviométrie annuelle
– la méthode de filtre passe-bas de hanning d’ordre 2 : la méthode de filtre passe-bas est aussi appelée la moyenne mobile pondérée. Elle permet d’éliminer les variations saisonnières dans une série chronologique.
– le calcul des totaux pluviométriques pondérés est effectué au moyen des équations recommandées par Tyson et al. (1975) présentées par Kanohin Fulvie et al. (2009) dont la principale est : Xp = 0,06 X(t-2) + 0,25 X(t-1) + 0,38 X(t) + 0,25 X(t+1) + 0,06 X( t+2) pour 3 ≤ t ≤ (n-2) ou X(t) est le total pluviométrique pondéré du terme t, X(t-2) et X(t-1) sont les totaux pluviométriques observés des deux termes qui précédent immédiatement le terme t.Les valeurs pluviométriques pondérées sont ensuite centrées et réduites pour mieux visualiser les périodes d’excédent et de déficit pluviométriques.
– le test de Pettitt : la statistique de ce test est donnée par la relation suivante :
Xp = 2 Ri – i (n+ 1) avec i l’ordre croissant des données brutes de 1940 à 2006, n est le nombre d’années d’observation (67 ans) et Rk la somme de ri , ri sont les rang des premiers termes de la série chronologique dans la série complète ordonnée en valeurs croissantes. Ce test a permis de détecter les ruptures dans la série pluviométrique
4. Présentation de résultats
Pour cette étude, nous avons utilisé les données pluviométriques annuelles qui s’étendent sur une période de 67 ans. Ceci est en accord avec les exigences de l’OMS (1980) qui explique qu’il faut un minimum de 30 ans pour une étude climatologique valable.
Le tableau 1 donne les indices pluviométriques de la région de Ngandajika de 1940 à 2006 tandis que la figure 1 montre la variation interannuelle de ces indices à la station de l’INERA-Ngandajika (1940 – 2006). Le tableau 2 donne les indices pluviométriques pondérés centrées et réduites. La figure 2 montre aussi la variation interannuelle de ces indices
Le calcul de l’indice pluviométrique moyen a permis d’analyser la variabilité temporelle de précipitations à Ngandajika. L’étude permet d’observer une période anormale entre 1940 et 2006 caractérisée par une moyenne interannuelle de 1427,9 mm et un écart type de 198,6 mm. La période anormale est définie comme étant une période où la moyenne des pluviométries annuelles ne tend pas vers la moyenne de la pluviométrie totale.
Le tableau 3 donne les valeurs du test de Pettitt appliqué à la série pluviométrique de l’INERA-Ngandajika. Ces valeurs confirment cette période anormale. La série pluviométrique présente deux cassures (figure 2) en 1984 et en 2000. La série est alors divisée en trois séries partielles. La mière série va de 1940 à 1984, la deuxième de 1985 à 2000 et la troisième de 2001 à 2006.
5. Discussion et conclusion
Les données pluviométriques de la région de Ngandajika varient entre 1060,1 mm en 1979 et 1916,2mm en 1951, avec une moyenne de 1427,9 mm et un écart type de 198,6 mm. Les données pluviométriques les plus fréquentes sont comprises entre 1197 et 1368 mm (soit 65%).
L’analyse minutieuse de ces données montre que la région a connu 22 années à pluviométrie normale, 16 années très humides dont la pluviométrie est supérieure à la moyenne et 38 années à pluviométrie inférieure à la moyenne.
Ces données sont alors irrégulièrement réparties, c’est-à-dire que les pluies annuelles varient considérablement d’une année à une l’autre.
Le calcul de l’indice pluviométrique moyen a permis d’analyser la variabilité temporelle des pluies à Ngandajika. L’étude a permis aussi d’observer une période anormale entre 1940 et 2006. Le test de Pettitt appliqué à la série pluviométrique confirme cette période anormale.
La série pluviométrique de Ngandajika présente deux cassures ; l’une située en 1984 (Xp = – 176) et l’autre en 2000 (Xp= + 174). La série est alors divisée en trois parties partielles. La première série va de 1940 à 1984, la deuxième de 1985 à 2000 et la troisième de 2001 à 2006. Ces cassures sont alors selon Pettitt imputables aux éventuelles perturbations ou changements. La présence de rupture dans une série pluviométrique signifie qu’il y a eu variation du niveau des pluies dans le temps et que cette variation peut être significative ou non.
Le minimum de Xp observé en 1984 correspond à une hausse des pluies. Le calcul de rang pour la série partielle de 1940 à 1999 à l’intérieure de laquelle il n y a qu’un changement est de + 247. Le niveau de signification corrigé est 99%. Ce niveau est trop fort, la hausse des pluies observée en 1984 est significative.
De même, le maximum de Xp observé en 2000 correspond à une baisse des pluies. Le calcul de rang à l’intérieure ce cette série partielle est de + 60 le niveau de signification corrigé pour cette série partielle est de 77%. Ce niveau est aussi significatif.
La baisse des pluies constatée en 2000 peut être un rattrapage de la hausse observée en 1984, mais la tendance de cette variabilité est encore à élucider
Cette segmentation de la série pluviométrique montre que les pluies connaissent de variation interannuelle. Ce résultat est en accord avec les travaux antérieurs réalisés dans la même région par Tshipata Mukeba(1996), Ntotila Bangula(1996), Ngoyi Kabamba(1997), Kabisa Mbuyi(1997), Kambi Dibaya Okito (2008) et (2010).
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