Consensus et dissensus chez Jürgen Habermas
Jean Willy Biayi
- Institut Supérieur Pédagogique de Mbujimayi
Résumé
Une société se nourrit du dialogue, de la délibération publique rationnelle, de la négociation, de compromis, du consensus. Mais cette exigence de consensus ne saurait être indifférente aux différences, c’est – à – dire, aux espaces d’hétérogénéité ou de « dissensus ». Pour penser juste, il faut situer la dynamique agonistique du politique entre le consensus et le pluralisme en accordant une place de choix au consensus.
Mots Clés : Démocratie, consensus, dissensus, agonistique, Jürgen Habermas
Introduction
Dans la culture publique des démocraties modernes, la question du pluralisme est fondamentale, si importante, qu’elle est considérée comme l’essence de la démocratie. Mais, la démocratie est-elle réductible à cette seule finalité pluraliste ?v
L’invention démocratique de la modernité réside-t-elle dans la seule démarche agonistique, c’est-à-dire, dans la mise en évidence de ce qui dans la société est facteur de conflit, de lutte ? Une démocratie viable ne se nourrit-elle pas aussi de négociation, de compromis, de sphères de consensus ? Quelle forme de consensus peut alors permettre une démocratie viable ? Y a-t-il compatibilité ou non entre la recherche de consensus et le fait du pluralisme ?
C’est pour élucider ce problème précis que nous pensons utile de recourir à la philosophie politique de Jürgen Habermas. Héritier du Siècle des Lumières et de la « Théorie critique » (Ecole de Francfort), Habermas propose un ambitieux projet de défense de la modernité. Il cherche à reconsidérer les potentialités émancipatrices de la démocratie à travers une théorie du consensus par la libre discussion.
C’est dire que le pluralisme et le monisme, l’un et le multiple ou l’autre et le même, loin d’être des notions absolument incompatibles, devraient être pensés comme deux exigences corrélatives, deux pôles dialectiques. Sans l’un de ces deux éléments, il n’y a pas de réelle situation de démocratie, mais soit un régime de domination totalitaire reposant sur l’homogénéité de la pensée unique, soit une politique libertariste et relativiste dépourvue de projet de vivre ensemble. L’on aboutit à l’embrigadement des libertés ; de l’autre, à la dissolution anarchiste du lien social. La démocratie ne met donc pas fin aux conflits et ne conduit pas irrémédiablement au consensus.
Au moyen de la méthode dialectique, laquelle examine la démocratie dans une harmonie des contraires ‘consensus-dissensus’, notre étude intègre dans la démocratie moderne, – conçue comme synthèse provisoire de la thèse-consensus et l’antithèse- dissensus, dans un processus d’engendrement, d’évolution faite de continuité, de rupture, de révolutions et de convulsions- la dimension incontournable du consensus.
Ce qui préoccupe Habermas, c’est de bâtir une théorie critique de la société, qui s’appuie sur la base d’une raison communicationnelle et qui noue avec les sciences sociales et toute activité intellectuelle, une coopération déclarant une exigence d’argumentation rationnelle. En d’autres termes, l’intention philosophique de Habermas est de fournir les conditions de possibilité d’une existence sociale libérée de la contrainte. Il s’agit, en renouant avec l’invention de la modernité, de repenser le sujet et sa possibilité de repolitisation dans la sphère publique. Une telle entreprise nécessite une définition du sujet libéré de son identité narcissique et de la manipulation stratégique. C’est donc le problème de la subjectivité qui est mis en jeu.
1. Le paradoxe de la subjectivité
Du fait de la finitude de la condition humaine, l’expérience de la subjectivité est traversée par l’ambiguïté de l’histoire. Cette ambiguïté est la marque de la contingence. Elle place le sujet qui se pense en situation de contradiction existentielle en lui faisant ressentir l’incomplétude de son être, la quête jamais achevée de son devenir. Le sujet historicisé éprouve, dans sa chair, qu’il est bien souvent à distance de soi-même et incapable de s’assumer totalement. Il ne coïncide pas avec l’identité qu’il se donne de lui-même. D’où sa solitude radicale au cœur de l’histoire. Et l’irruption d’autrui ne comble pas cette béance anthropologique. Jean Godefroy Bidima peut alors écrire :
« Dire ‟Je” dans un processus de communication, c’est s’affirmer et marquer du coup la différence que révèle cette présence à soi. Le rapport du sujet à soi n’est pas aussi simple que cette activité communicationnelle où les sujets dans une parfaite entente discuteront ». (Bidima, Jean Godefroy. 1993 :87)
La conception du sujet communicateur chez Habermas (Habermas, Jürgen. 1997) ne thématise pas cette problématique de l’identité éclatée. Elle néglige l’ambiguïté de l’histoire humaine, que Kant traduisait par sa thèse de l’insociable sociabilité. En effet, cette pensée kantienne trouve, mutatis mutandis, son équivalent dans l’idée de Schmitt selon laquelle la politique repose sur la distinction ami-ennemi. Ignorer cela et privilégier l’intercompréhension consensuelle, n’est-ce pas avoir trop confiance dans les capacités de la rationalité à reconstruire le “monde vécu” ? En effet, pour J. Habermas,
« Les argumentations morales servent donc à résorber ; dans le consensus des conflits, nés dans l’action. Or des conflits qui surgissent dans le cadre d’interactions gouvernées par des normes proviennent directement d’une perturbation dans l’entente mutuelle sur les normes ». (Habermas, Jürgen. 1986 :79) Par-là, Habermas ne cède-t-il pas à “l’illusion transcendantale” du consensus et de la communication réussie ? Un mythe du dialogue ?
Le mythe de la communication
Si le sujet n’est pas transparent à lui-même et a fortiori aux autres, comment l’activité communicationnelle peut-elle être le lieu de la “vérité consensuelle”? Que peut même cacher et révéler l’idée de vérité consensuelle ? L’adjectif “consensuelle” n’est- il pas un qualificatif abusif ? N’y a-t-il pas risque de figer ainsi le concept de vérité et de faire l’impasse sur le caractère provisoire, transitoire et nomade de toute réalité en gestation ?
Au fond, la vérité ne saurait être ni l’idole, ni la propriété commune d’un consensus rationnel. Même et surtout dans un espace public démocratique, on ne peut parvenir à une vérité consensuelle ou à l’intercompréhension mutuelle.
En effet, la discussion achoppe ici sur l’opacité invincible de la communication. Il y a toujours plusieurs niveaux de langage et d’interprétation qui résistent à la réduction pragmatique. Habermas ne tient pas assez compte de cette difficulté inhérente à ce que Paul Ricœur appelle le “conflit des interprétations”.
En fait, Habermas n’est-il pas pris comme Gadamer dans une métaphysique de la communication présupposant la propriété d’un sens, d’un sens qui réapproprie l’un à l’autre les interlocuteurs de la discussion argumentative ? Jean-Luc Nancy ne pense-t-il pas juste en disant que la théorie du consensus raisonnable de Habermas rejoint en partie l’herméneutique de Gadamer – dialogue comme vérité- qu’elle critique par ailleurs.
Le projet de la modernité, tel qu’il est réactivé par Habermas, repose sur un acte de “confiance anthropologique” en la possibilité d’une réconciliation entre conscience critique et identité. Une nuance: la pensée de Habermas n’est pas aussi métaphysique qu’elle pourrait paraître à première vue. Elle se déclare d’ailleurs “post-métaphysique”. Il y a, en fait un contraste entre les écrits théoriques de Habermas sur le consensus et l’agir communicationnel et ses textes polémiques contre Heidegger et l’idéalisme allemand, notamment à propos de la « Querelle des Historiens ».
Il y a chez Habermas un sens de l’irréconciliable et de la rupture. Cela peut se voir dans sa réflexion sur l’Allemagne, sur l’identité politico culturelle allemande, marquée par le “moment” d’Auschwitz, taraudée par la mémoire des crimes nazis, la mémoire de la Shoah juive. Rendant compte de cette situation, Edouard Delaruelle écrit par exemple :
« L’un des enjeux de la pensée habermassienne, mais peut-être aussi l’une de ses contradictions est de tâcher de se rendre fidèle à ce qu’il appelle le “regard des exilés” Mais ce regard des exilés, ne fait-il pas échec au présupposé de l’entente, de la réconciliation qui domine le schéma habermassien du consensus ? ». (Delaruelle, Edouard.1993 :13)
L’éthique habermassienne de la discussion ne se donne-t-elle pas pour ressource la capacité sociale et communicationnelle de fonder des identités collectives ou de se les réapproprier ? Pourtant, les identités sont difficiles! Par sa visée d’une communication sans contrainte et préservée de la violence, Habermas ne tombe-t-il pas dans l’illusion du consensus ? Il sait pourtant que le consensus n’est jamais donné à “l’état pur” ni atteint comme une “donnée immédiate de la conscience” ni même comme une fin de l’histoire.
D’où la dimension contrefactuelle de la théorie de l’agir communicationnel. Chez Habermas, le consensus est pensé sur le mode d’une approche asymptotique à l’idée régulatrice d’une raison communicationnelle et productrice, grâce à l’argumentation, la recherche dialectique et plurielle de la vérité. Il y a, inséparablement, chez Habermas le goût du consensus réconciliateur et le sens de l’irréconciliable et de la rupture.
Mais tout de même, dans cette théorie il y a de la vérité consensuelle qui tend à faire obstacle à l’antagonisme des intérêts de classes et occulte la part non moins négligeable de la violence dans l’interaction sociale et politique. Est-ce à dire que Habermas ne pense pas suffisamment le pluralisme ?
3. Le pluralisme
De prime abord, il semble difficile de dénicher une théorie du pluralisme chez Habermas tellement la recherche du consensus est une agence forte qui couvre presque d’insignifiance la diversité des opinions et des croyances. L’altérité ou la pluralité des positions sociales n’est-elle pas posée comme un tremplin pour l’activité communicationnelle ?
Toutefois, Habermas ne conçoit pas le point de vue moral en dehors du contexte des interactions médiatisées par le langage, traversées par les conflits et les distorsions qui rendent la communication à autrui si peu transparente. Habermas n’est donc pas dupe de son exigence consensuelle, car pour lui, la communication naît précisément de l’absence d’entente et en vit.
Et, l’universel visé n’est pas un point de vue de Dieu, mais un point de vue du « nous » qui suppose l’existence plurielle des perspectives de vie et la liberté des protagonistes de ses ressources argumentatives à reconstruire une communication sans conflit, à partir de la “situation idéale de parole”. N’opère-t-il pas là une absorption du pluralisme dans l’objectif quasi transcendantal d’un “discours universel” ?
D’ailleurs, le concept d’universel demeure chez lui assez problématique. N’est-il pas fondé sur une conception de la rationalité et du discours tels qu’ils sont élaborés en Occident ? Dès lors, l’universalité de Habermas n’est-elle pas ethnocentrique ? Elle ne tient pas compte de la diversité impliquée dans les cultures humaines au regard des problèmes de la communication inter (multi) culturelle.
Habermas oublie-t-il que c’est au cœur même du particulier, dans le respect des différences et de la diversité que s’inscrit la recherche de l’universel ? Vincent Descombes a raison, nous semble-t-il, de reprocher à Habermas de négliger la multiculturalité et la relativité culturelle :
« Habermas ne s’avise pas qu’il donne la parole à une tradition nationale particulière quand il hégélianise de façon si décidée. Un sociologue aurait plus facilement reconnu que la conscience philosophique du fait moderne avait trouvé différentes expressions selon les cultures nationales ; (…) Le philosophe n‘hésite pas à parler au singulier du projet moderne de rationalisation. Du point de vue d’une analyse sociologique, la dynamique qui constitue pour nous le procès de modernisation du monde est la résultante d’un jeu complexe d’échanges entre des sociétés porteuses de cultures distinctes. ». (Descombes, Vincent.1989 :5)
Pourtant, en un certain sens, Habermas fait bien d’insister sur l’idéal consensuel. En effet, une société politique ne peut se maintenir sans certaines procédures de communication et des sphères publiques de consensus.
Les institutions sociales et politiques tiennent dans la mesure où elles mobilisent la réelle participation aux pratiques sociales qui tissent tant la trame de l’Etat que de la société civile. La vie politique suppose qu’il y ait accord sur les fondements de la coexistence sociale, malgré l’antagonisme des perspectives.
Mais l’exigence du consensus n’est pas exclusive de la réalité du pluralisme. La vie politique démocratique, pour préserver la discussion et ne pas livrer les citoyens au caprice de l’arbitraire, doit reposer sur la tension entre consensus et pluralisme. Penser le pluralisme politique, c’est penser la transformation de l’ennemi inconnu en adversaire, c’est vouloir passer de l’antagonisme décisionniste (Max Weber, Carl Schmitt), à un antagonisme procédural.
La politique ne consiste-t-elle pas à chercher à désamorcer, non supprimer, la puissance de la violence et l’hostilité qui accompagne toujours les constructions d’identités collectives ? Dans cette entreprise, il ne s’agit pas de domestiquer l’inimitié en jetant tout son dévolu sur la généreuse grâce de l’amitié ou de l’entente mutuelle, mais en créant des institutions et des procédures capables d’assurer un Modus Vivendi grâce à des règles de jeu favorisant le respect des identités plurielles. C’est dans ce sens, par exemple, qu’Elias Canetti analyse l’institution du vote en démocratie comme un renoncement à tuer pour s’en remettre à l’opinion du plus grand nombre.
4. La démocratie : entre consensus et dissensus
Cela a déjà été dit : une société politique ne peut se maintenir sans certaines procédures de communication établissant des sphères publiques de consensus. Le consensus est nécessaire pour conjurer le danger du relativisme des valeurs pouvant conduire à la dissolution anarchique. C’est pourquoi, Habermas voit juste en portant son effort à élucider les principes moraux autour desquels s’articule la communication intersubjective.
Toutefois, la vie politique, en démocratie surtout, ne saurait être réduite à l’exigence du seul consensus. Il est des moments et des espaces rebelles au consensus commun et universel. Le trop plein de consensus abolit la conflictualité politique et peut même se retourner en son contraire. Il faut lutter contre la “boulimie régulatrice et conciliatrice”, car l’espace politique est constitutivement marqué par une sorte d’hétérogénéité irréductible, de faille indocile, en quoi résident précisément la liberté et les appels d’indiscipline. Le pluralisme démocratique se situe dans cet entre-deux ambigu, entre la règle et l’indomptable. Comme tel, il n’est ni l’expression débridée de soi et de l’anarchie, ni le refus systématique de l’unité politique.
Conclusion
La démocratie doit atténuer et contenir les conflits dans des limites des compromis acceptables. N’est-ce pas le conflit qui nourrit le pluralisme et fait de la démocratie une expérience fragile, incertaine, provisoire et imparfaite ? Le conflit est un phénomène intraitable dans une société. Son existence est le signe de la reconnaissance du ‘tiers ou de la liberté.’. La démocratie ne repose-t-elle pas sur le vide dans la mesure où comme le dit Claude Lefort elle est une “dissolution des repères de la certitude”.
Elle est confrontée en permanence à l’incertitude et à l’hétérogénéité des intérêts et des fins individuelles. Il y a, au cœur de toute démocratie véritable, un je-ne-sais-quoi de rebelle à toute tentative de résolution dans un “savoir absolu”, dans un “système” selon Hegel, qu’on peut appeler en suivant Jean-F. Lyotard le “différend”, c’est-à-dire “l’état instable et l’instant du langage où quelque chose qui doit pouvoir être mis en phrase ne peut pas l’être encore ». (Lyotard, Jean-François. 1983 :34)
Ce quelque chose d’irréductible, c’est une ‘altérité’, une des caractéristiques du pluralisme démocratique, source des conflits sociaux et des crises politiques. Parce qu’elle s’appuie sur cette donnée, la philosophie est fondamentalement une épreuve de mise en crise permanente du schéma théologico-politique ou des régimes de la certitude.
Toutefois, dire cela ne signifie pas nécessairement un éloge du conflit, de l’incertitude et de l’instabilité. Une société désarmée face au conflit et confrontée d’une manière perpétuelle à un climat d’hostilité et de violence ne risque-t-elle pas de cesser d’être vivable et de se détruire ? Il n’est pas question de soutenir le conflit pour le conflit.
Cela ne servirait pas à l’épanouissement des libertés et d’un pluralisme responsable, encore moins du consensus. Il faut, à notre avis, garder prudence en tenant que le pluralisme politique implique certes une multiplicité d’héritages et de trajectoires historiques, mais aussi un devoir de sociabilité responsable. Dialectique négative, le pluralisme est une “possibilité d’accord par les désaccords”, écrit Julien Freund. (Freund, Julien. 1986)Y a-t-il, à vrai dire, accord plus fondateur de la quête et de l’invention démocratiques que celui qui encourage, reconnaît et tente de dépasser les désaccords et les conflits ? La recherche du consensus ne se trouve-t-elle pas dans un travail de transformation du dissensus ou de l’hétérogénéité sociale et politique ? Le consensus ne saurait rester indifférent aux appels du pluralisme, parce que la vie politique :
«vise à constituer un nous dans un contexte de diversité et de conflit. Or, (…) pour construire un nous, il faut le distinguer d’un eux. C’est pourquoi la question cruciale d’une politique démocratique n’est pas d’arriver à un consensus sans exclusion (…) mais de parvenir à établir la discrimination nous/eux d’une manière qui soit compatible avec le pluralisme. (Mouffe, Chantal. 1994 :13)
Le consensus doit s’appuyer sur un degré minimum d’interprétation partagée. Cela rend possible la reconnaissance réciproque des sujets par-delà leurs diversités légitimes. Le consensus argumenté suppose cela, sinon il serait fusion indifférenciée.
Néanmoins, le consensus s’appuie sur la possibilité de la réconciliation des points de vue. Il valorise l’idée que les acteurs de l’argumentation peuvent s’entendre parce qu’ils parlent le même langage et partagent une même humanité.
Bibliographie
- Bidima, Jean Godefroy ; (1993). Théorie critique et modernité négro-africaine. De l’Ecole de Francfort à la ‘Docta Spes Africana, Publications de la Sorbonne, Paris.
- Delaruelle, Edouard ; (1993). Le consensus impossible, Ousia, Bruxelles.
- Descombes, Vincent; (1989). Philosophie par gros temps, Minuit, Paris.
- Freund, Julien ; (1986). L’Essence du politique, Sirey, Paris.
- Habermas, Jürgen ; (1986). Droit et Démocratie. Entre fait et normes, Gallimard, Paris.
- Habermas, Jürgen ; (1997). Droit et Démocratie. Entre fait et normes, Gallimard, Paris.
- Lyotard, François ; (1983). Le différend, Minuit, Paris.
- Mouffe, Chantal ; (1994) Le politique et ses enjeux. Pour une démocratie plurielle, La découverte/Mauss, Paris.