L’avenir est notre affaire : Une visite guidée de la recherche prospective

Mutunda Mwembo Pierre Professeur Emérite

  1. Université de Kinshasa

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Résumé

Ce texte confirme le rôle locomoteur de la prospective dans les recherches interdisciplinaires. Il précise que cette science ne veut pas se fondre dans la prophétie, l’art divinatoire, la prédiction rigide et inflexible…En plus d’être rationnelle, méthodique et contrôlable, elle se veut une attitude qui articule la rétrospective aux consciences des incertitudes du présent et au souci d’un avenir radieux.


Maints rêves et utopies optimistes ont fait miroiter ce début du XXIème sous l’aura d’une ère d’espoir, d’atteinte des objectifs du millénaire et des objectifs du développement durable, de l’émergence des pays attelés à la réalisation du bonheur partagé, d’un village planétaire enthousiasmé par la fin de la guerre froide, l’arrêt de la course aux armements, l’idéal d’une convivialité planétaire, d’une paix durable, de l’égalité des Peuples…

Mais hélas, le XXIème siècle naissant s’est vite avéré une époque de peur généralisée. Peur de l’individu devant son semblable, peur du retour des instincts, refoulés, alimentée par le bellicisme, le terrorisme omniprésent, peur due à l’incertitude de l’avenir fortement compromis par une surexploitation irrationnelle et abusive de la nature par l’homme.

Le quotidien de tous les habitants de notre planète est en effet dominé par la phobie de la violence, par des manifestations et des marches de mécontentement face à la mauvaise gouvernance politico-économique, à l’insouciance devant les menaces écologiques, l’incertitude du lendemain et pis encore, par la peur devant la perspective d’extinction d’une humanité régulièrement prise au dépourvue par des catastrophes naturelles et des épidémies meurtrières, singulièrement confrontée aux effets dévastateurs des pandémies exceptionnellement funestes.

Une interpellation sévère de la conscience de l’humanité, amorcée par des éveilleurs et des visionnaires, a aujourd’hui gagné la jeunesse, celle-ci organise des marches, apostrophe les politiques et a des leaders charismatiques à peine sortis de l’adolescence, comme la suédoise Greta Thunberg. Les encycliques de nombreux Papes occupent l’avant-garde de l’alerte devant l’incertitude de l’avenir. C’est le cas de Rerum Novarum de Léon XIII, de Populorum Progressio de Paul VI, de Caritas et Veritate de Benoît XVI, de Centisimus Annus, de l’Exhortation apostolique Pastores Gregis de Jean Paul II, et de Laudatio Si ( Sur la sauvegarde de la maison commune) de François.

En ce qui concerne les alertes, il y a lieu de lire Le Principe Responsabilité de Hans Jonas, les avertissements contenus dans Une brève histoire de l’avenir de Jacques Attali et les interpellations formulées par Alvin Toffler dans Le choc du futur , La troisième vague, Les nouveaux pouvoirs, War and Anti-War, et d’autres ouvrages.

Le mouvement initié par José Bové contre le fast-food ou la macdonaldisation de la planète, contre l’usage des OGM et des pesticides, s’est amplifié jusqu’à donner des ailes aux partis écologistes .Les rencontres de Davos, Porto Alègre, les COP…, sont régulièrement relayés par des marches pour l’éveil et le renforcement de la conscience écologique et environnementale des humains. Les projections de l’humanité dans l’avenir, les utopies pour le mieux-être des générations à venir…sont des expressions d’une profonde préoccupation pour le futur et que seul une prospective efficiente peut valablement prendre en charge. Cette conviction est la motivation fondamentale de la réflexion ci-dessous. Le lecteur y trouvera une clarification notionnelle des concepts-clés motivateurs de la science de l’avenir (foresight).

Cette clarification est utile à la saisie de la pertinence, du rôle et de la place d’une réflexion anticipatrice concentrée sur la quête d’un avenir exempt d’angoisse et porteur des chances de survie de l’humanité, mieux, de sa résilience face aux crises qui menacent son existence, préfigurent son extinction.

Loin des aléas divinatoires, la prospective gagne en rigueur lorsqu’elle s’entoure des garanties probantes de scientificité. Ces garanties sont non seulement méthodologiques, mais aussi opérationnelles : elles concernent la gouvernance multisectorielle (politique, économique, sociale, environnementale, sanitaire…), tout en revêtant une dimension éthique et une visée pédagogique.

Dans le monde d’aujourd’hui, la réflexion prospective est confrontée à des défis ou enjeux qui se déploient sous forme de cercles concentriques autour de l’individu, de la communauté, de l’Etat, des structures régionales, continentales, mondiales, dans un mouvement transfini d’extension à l’échelle planétaire. Un devoir de veille et de prise de conscience s’impose sous la forme d’un impératif existentiel.

Force est de reconnaitre les limites de l’impact local et international de la prospective africaine sur un continent où les pressions d’un quotidien précaire, la pauvreté, une gouvernance peu soucieuse du lendemain, sont de véritables freins à l’essor d’une culture prospective, à l’émergence et à l’affermissement des stratégies pour amortir le choc du futur, augmenter la résilience de l’espèce humaine, sécuriser la société devant les incertitudes, réduire le taux de tâtonnement devant les crises déjà vécues et devant des événements soumis à la loi du retour cyclique, anticiper sur les catastrophes prévisibles.

En réalisant cette étude de prospective, notre objectif est de fournir au lecteur, particulièrement aux chercheurs, aux acteurs de tous les secteurs, aux décideurs politiques,… un instrument pour la rentabilisation des leçons de l’histoire, l’intelligence des enjeux du présent, la capture des signaux que le futur émet, pour que l’humanité en général, l’Afrique et notre milieu existentiel en particulier, rompent avec le fatalisme d’un destin subi, et s’engagent dans la réalisation volontariste d’un destin voulu, prometteur, porteur d’espoir et de prospérité.

Sur le plan de la formation universitaire, l’exploration de la pensée anticipative ou la futurologie a intérêt à se déployer dans le cadre fonctionnel d’une chaire de prospective Africaine ouverte aux chercheurs et acteurs de toutes les disciplines, capables d’imprégner le processus d’éducation, d’impacter les attitudes et comportements.

Clarification notionnelle

Le prospectif est un terme dont l’usage remonte au début du XXème siècle. En 1932, H.G. Wells a lancé le terme anticipation, et en 1940, l’universitaire allemand Ossip K. Flechthein a forgé le concept de prospective. Mais c’est au français Gaston Berger, auteur de L’attitude prospective (1958) et créateur du Centre de prospective (1967) qu’on doit l’ampleur prise par la prospective que Bertrand Jouvenel va contribuer à promouvoir, depuis la publication de L’art de la conjecture, jusqu’à la création du Centre de recherche Futuribles I en 1960.En anglais, la prospective correspond au terme Foresight.

Pour affirmer et affermir son statut de science, la prospective a dû se dévêtir des masques dont l’opinion non avertie l’affuble couramment.Didactiquement, il est utile d’indiquer ce que la prospective n’est pas, de manière à lever l’équivoque ou à éviter la confusion, l’amalgame ou l’assimilation à des pratiques connexes.

1. Démarcations des perspectives

La prophétie, la prédiction, l’art divinatoire et la prévision sont des concepts auxquels la prospective est généalogiquement reliée. La dynamique de la constitution et de croissance de la prospective en tant que science opérationnelle a été laborieusement sous-tendue par un effort résolu de démarcation de ces activités dont des résidus persistent du fait du rôle et de la place de l’intuition, de l’illumination et de l’intrusion de l’irrationnel dans le processus scientifique

1.1. La prophétie

La prospective n’est pas la prophétie. Sa vocation scientifique l’éloigne de l’optique mystico-religieuse et de l’épouvantail de la peur caractéristique des récits apocalyptiques.

Son option rationnelle la tient à distance des prophéties catastrophistes et des prédictions angoissantes propres aux récits annonciateurs de la « fin des temps ». Récits apocalyptiques couronnant la Bible, récits énigmatiques déchiffrés par des décrypteurs des traditions pré-colombiennes et des adeptes des courants religieux qui ont vu dans l’expansion mondiale du corona virus par exemple un signe déclencheur de la fin du monde. La fin du monde a été fixée en l’an 2000, puis ne 2012 par des décripteurs des croyances inca. Aujourd’hui la guerre en Ukraine n’est-elle pas vue comme l’accomplissement d’une prophétie du frère Brahnam?

1.2 La prédiction

Privilège reconnu à des visionnaires transtemporels capables d’annoncer des événements à venir (proches ou lointains) avec une avance de dizaines de siècles parfois, la prédiction participe largement de l’ordre prophétique sans se réclamer d’un enracinement religieux. Elle s’alimente plutôt couramment dans le réservoir des énigmes qu’est la tradition des civilisations millénaires (Inca, Hébraïque, Maya…) et dans des annonces faites par des personnes hors paires dites inspirées ou illuminées à propos de la fin du monde, des guerres, des tragédies.

1.3 L’art divinatoire

La crédibilité de la prospective en tant que science serait grièvement compromise si son idéal de rigueur, de contrôlabilité et d’opérationnalité se laissait embrigader et obscurcir par l’aventurisme, le charlatanisme, l’ésotérisme, la lecture des entrailles ou des cartes, l’interprétation des oracles, le décryptage aléatoire des événements, la régression de la rationalité humaine à l’âge mythologique. Edgar Morin a contesté cette loi énoncée par Auguste Comte dans son Cours de Philosophie positive.

1.4 Une officine des prévisions inflexibles

Apte à annoncer le beau ou le mauvais temps, la famine ou l’abondance, les éclipses solaires ou les éruptions volcaniques, la prédiction scientifique s’est avéré une source utile d’informations fiables.

L’incapacité de l’homme à interférer sur la production des événements la maintient malheureusement en-deçà de l’intentionnalité anti-fataliste, pilier normatif et téléologique de la prospective. L’humanité n’a aucunement pu empêcher l’éclipse solaire de 538 avant Jésus Christ prévue par Thalès de Milet, et encore moins celles du siècle d’Albert Einstein, et de notre temps.

Une mise au point s’impose, que la prospective se spécifie des pratiques ci-dessus évoquées n’indique pas un sevrage radical de la science vis-à-vis des ressources de la gnose mythico-mystique, de la voyance parascientifique, de l’arsenal rituel censé infléchir le cours de l’histoire dans une direction favorable.

Epistémologiquement, le philosophe par exemple ne peut renier sa parenté originelle avec la fonction pastorale, la posture législative ou la narratologie poétique. Et la rationalité discursive et calculatrice stimulatrice de la modernité n’a jamais fermé la porte à « l’intrusion de l’irrationnel », à l’éclair de l’intuition mystique, aux ressources qu’une raison dialectique pourrait tiré de l’art et de tout qui peut empêcher la réduction de l’humain au statut de l’homme unidi-mensionnel. En plus, le concours apporté par la science-fiction à la démarche prospective revêt une importance de plus en plus grande.

L’articulation de la dimension rationnelle à la visée holistique du prospectif est au prix de la capitalisation des ressources qui font de l’intelligence du réel une tâche complexe et multimodale.

2. Sens, visées et spécificité de la prospective

La prospective est une discipline qui a choisi de faire de l’avenir son objet de réflexion, L’avenir est notre affaire est un slogan qui pourrait bien résumer la préoccupation centrale de cette discipline. Bien plus concrètement, il importe d’inculquer à chaque habitant de notre « Maison commune  » le goût de l’avenir prôné par Jean-Claude Guilbaud.

L’anticipation est la cheville ouvrière de cette discipline à la fois scientifique et normative, attentive aussi bien à la dimension quantitative que qualitative de l’étude des phénomènes naturels, des événements et mouvements sociaux.

La prospective est une attitude (Gaston Berger) et une méthode (Michel Godet). Le poids de la liberté et de la responsabilité de l’homme en fait une science normative. Agir nécessite une anticipation, qu’il s’agisse d’événements à éviter ou de l’atteinte d’objectifs souhaités.

L’anticipation scrute les contours du monde actuellement en gestation, s’efforce d’en prévoir les failles et de mettre en place des outils efficaces d’action. Procédant par une approche rationnelle et holistique, la prospective s’attèle à la recherche des solutions viables pour arracher l’homme aux tourments de l’incertitude. La tâche de la prospective consiste à analyser des événements passés et présents, de relever des tendances, avant d’effectuer des prévisions sur leur évolution dans le futur. Sa spécificité consiste à prendre le recul nécessaire pour faire face aux enjeux et anticiper les évolutions en sortant de la coquille théorique pour se lancer à l’écoute de la société, descendre sur le terrain, frotter le savoir à la réalité et ainsi passer à la pratique.

Sur le plan stratégique, la prospective a une visée explicite: se préparer aujourd’hui aux changements de demain.

Son ambition est l’aménagement des possibles favorables dans l’avenir, l’élaboration des stratégies pour effectuer un saut sécurisé dans le futur, la vie étant un perpétuel passage qui nécessite des actions continuelles.

Le credo de base du prospectif est que ce n’est pas en pleine crise qu’il faut s’agiter pour trouver à tâtons des solutions. La navigation à vue et l’improvisation sont en effet de grands freins au progrès de l’humanité. « Rien ne sert de courir dans tous les sens ; il faut prévoir à point », telle est la consigne de la prospective.

Gaston Berger aimait rappeler ce mot célèbre de Talleyrand : «Quand il est urgent, c’est déjà trop tard ».

Le propre de la prévision est de se ravitailler dans le grenier des leçons de l’histoire, de prendre la mesure des enjeux de l’heure et d’orienter l’esprit vers des solutions souhaitables et efficaces, favorables à l’épanouissement de la destinée humaine.

2.1 Mémoire historique

Le tendon d’Achille des sociétés contemporaines, quelque puissantes qu’elles soient, est l’amnésie historique qui se caractérise par un déplorable réflexe de surprise, affiché par une humanité qui a connu la peste, le choléra, la grippe, les covids 1, 2… Le réchauffement et le refroidissement climatiques, la canicule.
Les incendies, la famine, les guerres, les récessions… mais dont la banque de données est désespérément non inspiratrice.

La défaillance de la mémoire historique est en partie responsable du désarroi de la société humaine souvent prise au dépourvu devant des phénomènes apparemment nouveaux ou inédits du seul fait que l’humanité a omis de les comptabiliser, d’instaurer des mécanismes d’observation et de veille capables de prévenir les effets néfastes du retour cyclique des crises. C’est en cela qu’une articulation intelligente entre la prospective et le rétrospectif est vital : il n’y a pas d’exploration (prospective) sans reconstitution (rétrospective).

2.2. La conscience des enjeux

Défis, soucis ou préoccupations, les enjeux désignent les facteurs d’incertitude qui au début, émettent des signaux faibles (Philipe Cahen.2010), puis progressent de manière exponentielle jusqu’à fragiliser la capacité de survie et de
résilience de l’humanité, à l’amener au bord de l’extinction et à engager son pronostic vital. D’où un devoir de veille, de vigile, d’alerte agissante. Les enjeux qui assiègent l’humain sont coextensifs à son existence. Ils gravitent sous forme de cercles concentriques autour de la vie individuelle, de la socialité, de la coexistence au sein de la Nation, du Continent et de la Planète, de l’insertion de l’humain dans la dynamique de la nature.

Au niveau de l’individu, s’imposent le besoin de subsistance et de survie étroitement lié à l’alimentation, à la protection contre les intempéries, à la santé… Dans l’environnement social, les soucis se traduisent largement en termes de recherche de la paix, du bien-être, de la sécurité, de la jouissance des droits inaliénables, de l’expression libre, de la mobilité, de la justice, de l’équité, de la démocratie, de la solidarité, de l’épanouissement au sein d’une communauté conviviale. Mais les droits sont circonscrits dans des limites inhérentes aux exigences de l’intersubjectivité, c’est-à-dire de la vie avec autrui. La liberté de balancer mon bras s’arrête là où commence le nez d’autrui, selon la belle image utilisée par Louis Leahy (1990).

La quête du bien-être et du développement situent l’homme dans un environnement social étatisé, institutionnalisé, qui cohabite avec des dizaines de Nations sur une planète globalisée.

La globalisation est l’autre nom de la mondialisation dont la dynamique transfrontalière a érigé la planète en un espace géant de circulation et de consommation des biens, des capitaux, des cultures, d’informations, du savoir, des technologies… Certes, les anti-mondialistes fustigent l’exacerbation des inégalités sur la surface de la planète, la transformation du monde en un marché géant, géré selon les lois du mercantilisme ultra-libéral incarné par la toute-puissance des multinationales et des institutions de Bretton Woods; ils déplorent que le monde soit devenu un archipel de prospérité flottant sur un océan de misère et que le rouleau compresseur de la mondialisation broie les identités culturelles et enfreint le principe de souveraineté étatique. Et les altermondialistes prônent soit un capitalisme à visage humain soit un système économique où les inégalités (la pauvreté, la famine, la maladie) soient repensées et aplanies.

Mais force est de reconnaître à la dynamique de la mondialisation le mérite d’avoir favorisé l’érection de ce grand village planétaire où l’information se répercute en temps réel, où les événements se produisant dans le coin le plus reculé du globe ont un retentissement, une résonnance, une propagation et un impact universels, possèdent le don de provoquer une onde de choc à l’échelle mondiale.

Dans ces conditions, la responsabilité de viabiliser la vie sur toute l’étendue du village planétaire incombe à chaque habitant de notre planète. Elle se traduit en termes du devoir de prendre soin de notre Maison commune devant les graves menaces qui précarisent l’espoir de poursuite de la merveilleuse aventure de l’humanité dans l’univers, au travers des changements d’ordre naturel: climatique, écologique, environnemental…

Changements largement imputables à l’humain, habité depuis les temps modernes par le rêve de se rendre maître et possesseur de la nature artisan d’une révolution industrielle porteuse à la fois de progrès et de dangers de pollution et de destruction de la qualité de la vie, productrice des déchets toxiques et de substances indestructibles qui mettent en péril les écosystèmes terrestres et les fonds marins, consommateur boulimique qui, de plus en plus, va au-delà de ce que la nature est capable d’offrir.

La conscience de l’humanité est aujourd’hui régulièrement alertée sur les dangers du réchauffement de la planète, l’effet de serre, le leg nuisible de la révolution industrielle, l’émission funeste du carbone, la désertification croissante de nombreuses contrées, la pollution et la détérioration de la qualité de l’air, le règne funeste du plastique., Les rencontres se multiplient pour chercher des voies et moyens de prévenir ou d’éviter l’issue fatale ou l’extinction de l’humanité et de ses merveilleuses conquêtes.

Le credo de la prospective est que l’humain peut éviter cette issue par des stratégies anticipatives et une éthique agissante de la responsabilité, capable de susciter la mutation de la science en attitudes et comportements engagés et salvateurs.
Un événement qui survient de manière inéluctable profite de la conjugaison implacable des données causales et des conditions favorables. Ce qui fait de tout événement un effet ou un résultat de ces deux données.

Les conditions constituent des variables qui peuvent être changées, infléchies par une série d’actions humaines, susceptibles de faire de l’existence humaine une destinée voulue en lieu et place d’un destin subi.

Une motivation et une mobilisation accrue doivent être déployées aux fins de vaincre le fatalisme, la résignation, le stoïcisme, l’opium religieux (Karl Marx) …

Des actes concrets doivent être urgemment entrepris au-delà des slogans incantatoires, des résolutions prises dans des forums rassemblant des « responsables » très peu enclins à traduire les engagements en réformes réelles.

De grandes puissances pollueuses ne cachent pas leur besoin d’un long sursis avant de s’engager dans la révolution verte. La Chine n’est pas prête à ralentir le processus d’industrialisation ou d’y renoncer. Les Etats-Unis tiennent à l’exploitation de l’énergie fossile autant que la France prolonge l’ère du nucléaire. Le charbon rentre en lice en tant que source d’énergie.

Qui va raisonnablement convaincre les pays en quête de développement mais cantonnés dans l’industrie extractive et exportatrice des matières premières brutes de ne pas s’engager sur la voie de l’industrie transformatrice, dont on connaît le potentiel de pollution.

La recherche des solutions efficaces procède principalement par l’élaboration des scenarios crédibles et potentiellement efficaces.

Cette élaboration, obéissant aux directives de la rationalité discursive, trouve souvent dans l’intuition intellectuelle et dans l’imaginaire des ressources fécondatrices. Il n’est pas requis que la rationalité discursive suive une trajectoire linéaire. Car des facteurs au départ opposés ou hétérogènes peuvent être articulés dans une dialectique positive, sous-tendant un intelligent processus de recadrage.

L’histoire de l’espèce humaine n’est plus lisible selon la grille d’une évolution linéaire. Le saut de grenouille leapfrog qui propulse les « sociétés en retard » dans l’ère du téléphone mobile et du numérique est loin d’être un phénomène social bénin !

La sélection des scénarios obéit à une logique éliminatoire dont le vecteur va des scénarios les plus plausibles ou les « moins mauvaises », à des solutions, ou à défaut, à des alternatives dont le taux de crédibilité est significatif, prometteur. Que cette logique soit probabilitaire n’en fait pas une démarche arbitraire, non scientifique.

Elle conforte la prospective sur la voie d’une approche méthodologique encadrée par les instruments fiables de la statistique.

Notre ouvrage, L’avenir est notre affaire, retrace un parcours historique et instructif de la prospective, qui indique les jalons de l’essor et du développement de cette science. Ce parcours précise l’origine de cette discipline, sa prise d’envergure ainsi que son affermissement scientifique. (Mutunda Mwembo, 2022)

Cet affermissement scientifique reprend quelques ténors de la prospective à savoir, Alvin Toffler, Michel Godet, Philipe Cahen, Dominique Leclercq, Hans Jonas, Edgar Morin, Jacques Attali et Ame Naes. Le même ouvrage cartographie le déploiement de cette science à travers des institutions spécialisées et signale quelques références bibliographiques utiles.

Conclusion

La viabilité du destin de l’humanité, le succès de son effort de résilience et son combat contre le fatalisme d’une existence jonchée d’incertitudes, menacée d’extinction et angoissée devant le bouleversement et le changement climatiques, les crises alimentaires et sanitaires, la précarité économique, le déficit de la paix, la progression du terrorisme et des conflits religieux, le clivage entre les systèmes politiques, l’intensification des mouvements des populations.

Voilà une litanie non exhaustive d’enjeux qui préoccupent l’espèce humaine. Le retard mis par l’humanité pour prendre à bras le corps ces défis vitaux frise une insouciance et un taux d’irresponsabilité qui sont dénoncés par les grands de ce monde, les jeunes, et les scientifiques versés dans la prospective.

La présente étude a pour objectif d’apporter sa contribution à la croisade de sensibilisation en faveur d’une planète non polluée, réellement et sans atermoiement, acquise à la révolution verte, saine, responsable, sécurisante pour les générations à venir, gérée de manière rationnelle par des leaders dévoués à l’édification d’une société prospère, juste, équitable, conviviale, solidaire, et surtout soucieuse du bien-être du plus grand nombre…

Bibliographie

  1. Berger, Gaston, (1958) ;  » L’altitude prospective ». Prospective, 1
  2. Berger, Gaston, (1964); Phénoménologie du temps et prospective, Paris, PUF
  3. Mutunda Mwembo (2020) ; Carnets d’un confinement, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines
  4. Mutunda Mwembo (2022) ; L’avenir est notre affaire, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines
  5. Toffler, Alvin (1971) ; Le choc du futur, Paris, Denoël
  6. Toffler, Alvin (1980); La troisième vague, Paris, Denoël, 1980
  7. Toffler, Alvin (1991) ; Les nouveaux pouvoirs, Paris, Fayard, 1991

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